NAIROBI, 24 avril (IRIN) - Le gouvernement kényan vient de lancer un
programme national ambitieux visant à élargir la pratique de la
circoncision masculine, dans le but de contribuer à la lutte contre la
propagation de l'épidémie de VIH qui touche 6,1 pour cent des quelque
34
millions d'habitants.
Selon les résultats de trois essais cliniques randomisés, menés en
Afrique
du Sud, au Kenya et en Ouganda en 2005 et 2006, la circoncision
réduirait
de plus de 50 pour cent le risque d'infection à VIH chez l'homme dans
le
cadre de relations hétérosexuelles.
D'après le document définissant la nouvelle politique kényane en la
matière, le programme s'adressera à tous les hommes, toutes tranches
d'âge
confondues, et l'ablation du prépuce sera pratiquée dans le respect des
cultures et conformément aux normes sanitaires.
Le programme impliquera le renforcement des infrastructures sanitaires,
mais selon Peter Mutie, responsable des communications au Conseil
national
de lutte contre le sida (NACC en anglais), les centres de santé
existants
sont suffisamment équipés pour commencer à mettre en oeuvre le
programme.
« Nous tentons d'accélérer l'élaboration du programme afin de pouvoir
le
lancer d'ici la mi-2008 », a déclaré M. Mutie.
Bien qu'au Kenya, quelques communautés, dont les Luo, les Suba et les
Teso, dans l'ouest du pays et les Tukana, dans le nord-est, ne
pratiquent
traditionnellement pas la circoncision, M. Mutie a précisé que le
programme du gouvernement s'adresserait à l'ensemble du pays.
« Pour la plupart de nos tribus, la circoncision est un rite
initiatique,
mais bon nombre d'entre elles la pratiquent selon des règles
traditionnelles, en utilisant la même lame pour différentes ablations,
une
habitude que nous souhaiterions éradiquer. A l'instar des médecins,
certaines communautés n'enlèvent pas le prépuce dans sa totalité, elles
n'en enlèvent qu'une partie », a-t-il expliqué.
Afin de limiter l'opposition du public à l'égard du programme, des
exercices de mobilisation sociale précèderont la mise en ouvre du
programme, a-t-il poursuivi. Ainsi, des membres des communautés seront
formés afin de sensibiliser leurs pairs aux avantages que peut
représenter
la circoncision.
« Il s'agit d'un programme qui nécessite une mise en ouvre très
méticuleuse. La sensibilisation est primordiale. Par exemple, il faut
que
la population sache que la circoncision ne constitue en aucun cas une
garantie de protection contre le VIH », a-t-il rappelé.
M. Mutie a souligné que les circonciseurs traditionnels auraient un
rôle
clé à jouer dans l'éducation de leur communauté.
« Nous ne pouvons pas les priver de leur rôle. Ce sont des conseillers
utiles vers lesquels les populations se tournent. En conséquence, nous
pouvons les inciter à conseiller les jeunes à avoir des pratiques
sexuelles à moindre risque et à adopter des comportements sains »,
a-t-il
déclaré.
L'annonce de la mise en place du programme est une bonne nouvelle pour
bon
nombre d'ONG et de médecins qui attendent toujours de recevoir des
conseils en matière de circoncision masculine.
Parmi ces ONG figure Marie Stopes Kenya, qui a lancé l'année dernière
un
projet pilote dans l'ouest du pays, en se fondant des les lignes
directrices de l'Organisation mondiale de la santé. Marie Stopes Kenya
fait partie du groupe de travail national sur la circoncision
masculine.
Sonder le terrain
« Notre projet pilote est un programme de sensibilisation gratuit mené
par
une équipe ambulante composée de cinq personnes - un médecin, un
responsable sanitaire, un assistant sanitaire, une infirmière et un
chauffeur. L'équipe se rend dans diverses communautés, s'installe dans
une
salle d'un centre médical local, ou sous un tente, et elle invite les
communautés à venir ou à amener les enfants se faire circoncire », a
expliqué George Obhai, chargé du suivi et de l'évaluation à Marie
Stopes
Kenya.
Avant l'arrivée de l'équipe ambulante, l'ONG prend contact avec la
clinique ou l'hôpital local et lui demande de mobiliser les
communautés.
Le jour de la circoncision et avant que la procédure ne débute, chaque
homme reçoit des conseils de la part d'un membre du personnel dûment
formé.
« Etonnamment, la plupart des idées que se font les gens sur la
circoncision jouent en notre faveur, et ce même chez les Luo. Par
exemple,
les gens pensent que la circoncision améliore la vie sexuelle et que
les
femmes préfèrent les hommes circoncis », a-t-il déclaré.
M. Obhai a expliqué que les bienfaits de la circoncision masculine
n'avaient pas été difficiles à faire valoir auprès des communautés de
l'ouest du Kenya, car les Luo, les Teso et les Suba étaient entourés de
communautés pratiquant la circoncision et qu'ils connaissaient des
personnes circoncises. En outre, le fait que la circoncision puisse
contribuer à réduire le risque de propagation du VIH rend la pratique
populaire dans la région.
Depuis avril 2007, dans quatre districts de la province de Nyanza, plus
de
2 700 hommes se sont portés volontaires et ont subi une ablation du
prépuce par Marie Stopes Kenya. De plus, ce chiffre ne cesse de croître
chaque mois ; 80 pour cent des hommes et des garçons circoncis
appartiennent à des communautés qui ne pratiquent pas
traditionnellement
la circoncision.
Cependant, le succès est inégal. En effet, parmi les Turkana, une
société
isolée et très traditionnelle du nord-ouest du Kenya, il a été plus
difficile de faire de la circoncision une priorité.
« L'an dernier, notre équipe mobile s'est rendue auprès de la
communauté
Turkana. En une journée de sensibilisation, nous avons reçu deux
personnes, puis trois, le jour suivant », a mentionné M. Obhai.
« Nous avons dû partir car nous n'avions tout simplement pas les
ressources financières pour justifier notre présence à l'époque. Mais
dès
que nous pourrons mettre en place des équipes ambulantes
supplémentaires,
nous retournerons dans la région », a-t-il dit.
Marie Stopes Kenya fait également appel aux membres des communautés qui
jouent le rôle de pairs éducateurs. L'ONG souhaite faire participer les
circonciseurs traditionnels à ses programmes.
« Dans le passé, ils [les circonciseurs traditionnels] ont fait preuve
de
résistance, car ils pensaient que nous voulions leur retirer leur
source
de revenus et leur rôle social », a-t-il précisé.
« Par exemple, dans de nombreuses régions, le mois d'août prochain sera
une période de circoncision. Ainsi, nous aimerions les encourager à
conserver leur rôle de conseillers et même leur verser une indemnité
pour
cette activité, afin qu'ils envoient les garçons à la clinique se faire
circoncire », a-t-il ajouté.
Le programme pilote a été particulièrement efficace pour atteindre les
communautés rurales et à la population carcérale, deux groupes qui ont
peu
accès aux infrastructures sanitaires modernes.
La mobilisation sociale a aussi servi de point d'entrée à la
sensibilisation à la stratégie de prévention traditionnelle ABC qui
prône
l'abstinence, la fidélité et l'utilisation du préservatif, ainsi que de
moyen de promotion des services de conseil et de dépistage volontaire.
Le programme de Marie Stopes Kenya a rencontré cinq cas de
complications
médicales au cours de l'année de sa mise en oeuvre : deux mauvaises
réactions à l'anesthésiant et trois infections post-opératoires.
Suite au succès enregistré dans la province de Nyanza, l'ONG compte
étendre son programme de sensibilisation à l'ensemble du pays.
kr/kn/cd/ail
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