lundi 28 avril 2008

La santé en Afrique. Quelles options de base ?

Sur quelles bases faire reposer l'action sanitaire en Afrique ? « Experts », dirigeants... et malades n'ont pas été et ne sont pas toujours d'accord. Essayons de préciser quelques options possibles.
1 - Prévention et/ou traitement ? Pendant des décennies (antérieures aux années sida), la priorité officielle des grands organismes internationaux était la prévention. Traiter les malades semblait trop cher. Heureusement (si j'ose dire), le sida a fait évoluer les idées. Après une période où seule sa prévention était vraiment soutenue, on a reconnu qu'on ne pouvait pas ne pas traiter, même si les traitements étaient coûteux et difficiles. D'où une véritable innovation : la coopération de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avec les firmes pharmaceutiques.
Ainsi une idée simple a progressé. D'une part, il faut traiter les malades pour répondre aux aspirations légitimes de la population et obtenir sa confiance. D'autre part, fort de cette confiance, il faut aussi prévenir pour éviter l'extension de la maladie. Cette idée, évidente pour tout praticien de terrain, vaut pour le sida, ainsi que pour le paludisme, la tuberculose, le choléra, etc. Mais elle est encore rejetée pour les maladies cardio-vasculaires, responsables de 15 % de la mortalité de l'adulte. Avec le vieil argument : trop chères ! Pour combien de temps encore ?
2 - Éradication ou contrôle ? Je ne sais pourquoi l'objectif en Afrique a souvent été d'« éradiquer » les maladies comme la maladie du sommeil, la lèpre, le paludisme, la variole, la poliomyélite, etc. Alors qu'en Europe on se contente de « contrôler » la maladie pour qu'elle ne représente plus un danger pour la santé publique, même si quelques cas persistent ici et là, comme on le voit pour la méningite, par exemple. Dans les pays riches, on évite ainsi les dépenses considérables que nécessite la traque des derniers cas... dont on n'est jamais sûr qu'ils sont les derniers. La variole qu'on a cru « éradiquée » dans le monde pourrait bien réapparaître ici ou là, et, fort heureusement, on a gardé des stocks de vaccins.
3 - Médecine verticale ou horizontale ? On a parfois privilégié, contre des maladies considérées comme objectifs majeurs (maladie du sommeil, lèpre, paludisme, etc.), des programmes « verticaux », c'est-à-dire la mise en place de personnels et de budgets dédiés à une seule maladie depuis le ministère jusqu'aux centres ruraux. Avec, souvent, des résultats appréciables concernant les maladies ciblées, mais avec des lacunes importantes pour ce qui touche à la prise en charge des autres maladies.
Dans les années 1970, les directives de l'OMS ont visé, au contraire, à mettre en place une médecine « horizontale » en faisant participer l'ensemble des personnels et des formations sanitaires aux différentes activités, ce qui n'a pas vraiment été efficace. Aussi voit-on réapparaître des équipes et des budgets dédiés sélectivement à telle ou telle maladie. C'est le cas pour le sida, mais aussi pour l'onchocercose, voire pour les campagnes de vaccination.
Horizontale ou verticale, la politique est à définir en fonction des budgets et des personnels disponibles. Mais il ne faut pas abandonner telle catégorie de médecins ou de formations sanitaires qui, par exemple, ne disposent d'aucun moyen de transport quand des Jeep rutilantes parcourent le pays pour réaliser des programmes sélectifs.
4 - Médecine générale ou médecine de spécialités ? L'une et l'autre apparaissent nécessaires. Les formations anarchiques, ici ou là, déconnectées des réalités africaines, devraient céder la place à un plan sérieux. La formation des généralistes doit être évidemment nationale, ainsi que l'indispensable formation continue. La formation des spécialistes pourrait se faire sur des bases régionales puisque aucun pays ne dispose aujourd'hui des installations et du personnel indispensables dans chacune des spécialités. Cette formation régionale permettrait aux spécialistes de se connaître et d'entreprendre ensuite plus facilement les travaux multicentriques qui sont encore exceptionnels et pourtant indispensables.
Médecine générale ou spécialisée, l'une et l'autre nécessitent une formation continue qui n'est réalisée pratiquement dans aucun pays, alors que son organisation serait peu coûteuse. D'où une déperdition rapide des connaissances des praticiens.



PAR LE PR EDMOND BERTRAND*
* Vingt-cinq ans d'activité médicale en Afrique : de la médecine rurale à la faculté et à la direction de l'Institut de cardiologie d'Abidjan. Doyen honoraire de la faculté de médecine d'Abidjan.

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